Sahel : la Grande Muraille verte relancée lors du One Planet Summit
L’initiative panafricaine de la Grande Muraille verte a été relancée à l’occasion du One Planet Summit, organisé lundi 11 janvier à Paris. « Il y a eu des hauts et des bas mais la Grande Muraille verte fait partie des solutions pour fournir un avenir durable aux populations du Sahel », a réaffirmé le président français, Emmanuel Macron, en se félicitant du soutien financier promis par plusieurs banques de développement et bailleurs de fonds bilatéraux. Si les engagements sont tenus, plus de 14,3 milliards de dollars (11,8 milliards d’euros) devraient être mobilisés au cours des cinq ans à venir pour donner forme à ce projet pharaonique dont l’une des ambitions est de restaurer 100 millions d’hectares de terres le long de la bande sahélienne.
Onze pays sont concernés, du Sénégal à Djibouti, sur un tracé de 8 000 km. Cette somme représente environ un tiers des besoins pour mener à terme le projet, dont à peine 4 % ont été réalisés à ce jour. A l’automne dernier, alors qu’était dévoilé le premier bilan depuis son lancement il y a quinze ans, l’initiative semblait d’ailleurs promise à l’échec. Si l’absence de volonté des Etats africains est souvent mise en avant pour expliquer cet enlisement, l’inconstance des bailleurs de fonds est aussi en cause. Les 4 milliards de dollars annoncés en 2015 au moment de l’accord de Paris sur le climat sont ainsi très loin d’avoir été versés.
Reprise en main
Comment s’assurer que les nouvelles annonces ne connaîtront pas le même sort ? M. Macron a insisté sur la création d’un secrétariat de la Grande Muraille verte, rattaché à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, pour s’assurer du suivi des engagements. L’Agence panafricaine de la Grande Muraille verte, jusqu’alors chargée de coordonner l’initiative au niveau continental, y sera officiellement associée.
Si les apparences sont sauves, cette décision traduit cependant une reprise en main du pilotage de l’initiative par les donateurs. « Une clarification était nécessaire pour obtenir de nouveaux engagements financiers. L’Agence panafricaine n’est pas un bon instrument de gestion pour un projet de cette envergure. Reste maintenant à voir comment tout cela sera compatible avec le respect des souverainetés nationales », décrypte l’un d’entre eux.
L’Union européenne et la France en particulier – du fait de son engagement militaire au Sahel – souhaitent faire de la Grande Muraille verte une des réponses fortes aux crises sécuritaire et humanitaire que connaissent les pays de la région. Ses objectifs ont ainsi été redéfinis autour de cinq piliers qui, au-delà de la restauration des écosystèmes, traitent de l’accès à l’énergie durable via le solaire ou du développement de l’agroécologie. L’enjeu est aussi de fournir des emplois à une population appelée à doubler d’ici au milieu du siècle.
Il ne s’agit donc plus seulement d’ingénierie écologique pour contrer les effets du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, mais d’un projet plus global de croissance verte à l’échelle d’une des zones les plus vulnérables d’Afrique. Le Fonds international de développement agricole, spécialisé dans l’appui aux petits agriculteurs, a été chargé d’élaborer un programme d’intervention avec le soutien financier du Fonds vert pour le climat.
Seconde chance
A côté des bailleurs de fonds traditionnels (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne ou Agence française de développement), plusieurs acteurs privés se sont aussi engagés à faire de la réussite de la Grande Muraille verte une de leurs priorités.
Parmi eux, des personnalités parfois inattendues, comme Nicole Schwab, codirectrice du Forum économique de Davos. Celle-ci est à l’initiative du programme 1t.org, créé pour encourager les entreprises à financer la plantation de 1 000 milliards d’arbres d’ici à 2030, afin de lutter contre la déforestation et compenser, grâce au carbone séquestré, une partie de leurs émissions polluantes. La fille du fondateur du célèbre rassemblement des élites économiques mondiales a annoncé que serait organisé en mars un concours pour sélectionner les projets les plus innovants pour le Sahel.
Le prince Charles a fait part de sa conviction que la Grande Muraille verte puisse devenir une puissante démonstration d’un développement respectueux de la nature. « Nous avons besoin de laboratoires vivants pour démontrer qu’il est possible de restaurer les terres et de protéger le climat tout en créant des emplois », a-t-il expliqué depuis Londres en plaidant pour sa « Sustainable Markets Initiative » en faveur de la transition écologique.
La Grande Muraille verte semble donc pouvoir bénéficier d’une seconde chance. Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a salué ce nouvel effort en mettant toutefois en garde contre les fausses promesses : « Alors que le Sahel se débat contre le terrorisme, les crises politiques, la malnutrition, le Covid-19 et d’autres pandémies, le monde commettrait une grave erreur en laissant s’accentuer ici la crise climatique. »
Le monde